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Sans révolution de l'éducation, les idées les plus belles pourriront avant de germer.

Je me rappelle, dans une vie antérieure, d'une discussion avec mon futur associé alors que je m'apprêtais à créer ma précédente entreprise. C'était lui qui avait eu l'idée de l'entreprise mais seulement voilà : il n'avait ni temps à y consacrer et pas réellement d'argent à investir non plus et il me proposait royalement 5% des parts pour tout mettre en oeuvre. Evidemment cela m'avait faite sourire mais cela m'avait surtout questionnée. Quelle est la valeur d'une idée? 

Sans révolution de l'éducation, les idées les plus belles pourriront avant de germer.
Par Sandrine Dirani
Sommaire

Si les idées sont essentielles, signes de notre force créatrice qui s'exprime, seules, elles ne sont rien.

Je me rappelle, dans une vie antérieure, d'une discussion avec mon futur associé alors que je m'apprêtais à créer ma précédente entreprise. C'était lui qui avait eu l'idée de l'entreprise mais seulement voilà : il n'avait ps de temps à y consacrer et pas réellement d'argent à investir non plus et il me proposait royalement 5% des parts pour tout mettre en oeuvre. Evidemment cela m'avait faite sourire mais cela m'avait surtout questionnée. Quelle est la valeur d'une idée? 

Tous les jours, je me réveille avec mille nouvelles idées. Certaines disparaîtront naturellement dans les méandres de l'oubli. D'autres résisteront mieux et je lutterai contre moi-même pour me canaliser ou, quand mon envie sera trop forte et ne souffrira pas d'être contrainte (comme c'est souvent le cas !), pour au moins hiérarchiser ces idées et ne pas disperser mon énergie. Ainsi, même si les idées sont essentielles, signes de notre force créatrice qui s'exprime, seules, elles ne sont rien.

Très souvent, le problème ne se situe pas au niveau des idées elles-mêmes comme en témoignent les idées promues par nos divers gouvernements en matière éducative. De nombreuses sont bonnes en soi mais elles souffrent de deux freins majeurs.

Des idées pour l'éducation, oui mais uniquement si elles servent une vision 

Le premier est d'ordre philosophique. Une idée s'inscrit dans un Tout. Prise séparément, elle ne signifie rien. Or, la vraie question à se poser quand on traite d'éducation est : quel est le monde que l'on veut créer et que l'on veut léguer à nos enfants? Quelles sont les valeurs et les idéaux que l'on souhaite défendre? L'éducation s'inscrit dans une vision globale du monde et si nous ne répondons pas à ces questions fondamentales, non seulement nous n'aurons jamais un système éducatif à la hauteur de nos attentes mais, en plus, nous ferons face à des résistances. Cette vision doit nous rallier, nous transcender pour que nous puissions y adhérer. L'objectif est alors de créer des connexions entre les différentes idées qui émergent pour les mettre au service de cette vision partagée.

Et que les moyens adéquats sont mis en oeuvre pour sa réalisation

Le deuxième est d'ordre opérationnel car une idée n'est rien sans sa réalisation. Prenons un exemple d'idée, a priori, tout-à-fait pertinente mais qui se transforme en dysfonctionnement supplémentaire car mal appliquée. Parlons du travail en groupes. En soi, favoriser l'essor d'une éducation par projets en groupes a de nombreux atouts.

1. Cela permet d'adopter une vision plus transverse et de donner du sens aux apprentissages ce que ne permet pas une éducation cloisonnée par matière. Envisager une éducation par projets en groupes permet ainsi de donner un aspect plus ludique et plus pratique au savoir, de l'inscrire dans une finalité qui a du sens pour le jeune. Loin d'être inefficace dans l'acquisition des connaissances, le travail en groupes et en mode projet permet de remettre les matières à leur juste place : elles ne sont qu'un moyen pour la réalisation d'un projet global. Par exemple, faire un film en classe est l'occasion d'aborder de façon ludique mais non moins efficace, différentes matières et chapitres essentiels à un apprentissage réussi (de parler de l'industrie cinématographique et des coûts et recettes associés à la réalisation d'un film et donc d'économie; de calculer des angles mathématiques, d'aborber la notion d'optique en physique, etc.) Ce travail par projets en groupes peut ainsi permettre de révéler des vocations que l'enseignement individuel et par matière n'aurait pas forcément laissé éclore.

2. Cela apprend aux jeunes à collaborer, à conjuguer leurs forces pour un objectif commun, à faire émerger et capitaliser sur les talents de chacun pour une réussite coolective qui porte en elle les germes d'une société qui sait mettre l'intérêt collectif devant les intérêts particuliers. 

3. Cela permet aux jeunes de prendre confiance en eux, d'exposer leurs idées, d'argumenter, de convaincre et d'acquérir ainsi une certaine aisance à l'oral.

Pourquoi cette idée positive se transforme-t-elle alors en échec cuisant?

Sinon, cela ne peut qu'aboutir à un échec cuisant

Dans les faits, le travail en groupes est un échec cuisant. De nombreux facteurs expliquent cet échec.

1. Travailler en groupes par projet est une innovation pédagogique. Comme toute innovation, un travail éducatif des parents et des enfants devrait être conduit pour les sensibiliser à l'intérêt de cette démarche et les y faire adhérer. Or, rien n'est fait en ce sens.

2. Au lieu de libérer du temps pour que ces travaux en groupes puissent être réalisés dans le cadre de l'établissement, ils sont généralement donnés aux élèves, en plus de leurs innombrables devoirs à faire à la maison. Que se passe-t-il alors sans la surveillance et l'accompagement du corps enseignant? Les jeunes ne savent pas se répartir équitablement les tâches, ni intégrer ce travail supplémentaire dans leur emploi du temps. Au final, il y a souvent un élève qui finit par prendre l'intégralité du travail en charge quand ce n'est pas son parent pour garantir une bonne note. Les parents se transforment alors tour à tour en experts de l'âge de pierre et en professionnels des présentation powerpoint ce qui ne fait que lamentablement creuser les inégalités. Les jeunes dont les parents ne peuvent pas les aider sont immédiatement sanctionnés. Quel est alors l'intérêt pédagogique? Plus aucun travail en groupe, plus de vision transverse d'un sujet, il ne persiste rien des atouts annoncés.

Sans mutation en profondeur de l'éducation, les idées, aussi belles soient-elles pourriront avant de germer.

Tout ceci pour montrer que les idées ne servent à rien si on ne repense pas l'éducation en profondeur. Pour que de tels projets puissent être bénéfiques, il faudrait :

  • Reconcevoir le rôle de l'enseignant. Le professeur ne peut plus uniquement être spécialiste de sa matière, il doit devenir accompagnateur pour aider les jeune à grandir intellectuellement, développer leur créativité, trier leurs idées, les analyser, les mettre en forme, les défendre. Il doit également favoriser l'échange et le respect mutuel, le vivre ensemble pour que les projets puissent voir le jour.
  • Reconcevoir l'espace et le temps de travail. Cela requiert des classes ouvertes avec une organisation plus harmonieuse et collaborative de l'espace de travail pour favoriser le travail par groupes, la libre circulation dans la classe, les échanges entre jeunes. Dans ce cadre, impensable que le professeur soit sur une estrade au-dessus des élèves. Il doit être parmi eux pour circuler facilement d'un groupe à l'autre.

Sans mutation en profondeur de l'éducation, les idées, aussi belles soient-elles pourriront avant de germer.

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Présenté par: Sandrine
le 15 Mai 2019
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